Les effets cancérogènes de l’aspartame démontrés par des chercheurs italiens
Deux récentes études scientifiques pointent du doigt les risques de l’aspartame sur la santé. Le Réseau Santé Environnement tire la sonnette d’alarme et appelle les agences sanitaires à réévaluer les risques de cet édulcorant. Les industriels se veulent au contraire rassurants.
L’aspartame est-il cancérogène ? Pour le Dr Morando Soffritti, cela ne fait aucun doute. « Les effets cancérogène de l’aspartame ont été démontrés, notamment à des doses auxquelles les hommes sont régulièrement exposés. » Le directeur et son équipe de l’institut italien Ramazzini viennent en effet de publier leur troisième étude sur le sujet, dans la revue de référence American Journal of Industrial Medecine. Les résultats corroborent ceux de leurs précédents travaux : la consommation d’aspartame augmente l’incidence de tumeurs malignes chez les rats et les souris. Par ailleurs, une récente étude danoise, conduite auprès de 60 000 femmes enceintes, et publiée dans la revue American Journal of Clinical Nutrition, démontre que l’absorption d’aspartame augmente également le risque de naissances prématurées. Aux vues de ces résultats, le Réseau Santé Environnement et l’association Générations Futures appellent donc les pouvoirs publics à réévaluer les risques de cet édulcorant régulièrement consommé par quelques 200 000 millions de personnes dans le monde.
Les doses maximales autorisées remises en question
Sodas, chewing-gums, bonbons, gélatines, desserts glacés, yaourts,… L’aspartame est aujourd’hui présent dans plus de 6000 produits alimentaires, dont 500 médicaments. La dose journalière acceptée (DJA) varie selon les États entre 40 et 50mg d’aspartame par kilo de poids corporel, bien que les plus gros consommateurs européens et américains en ingèrent quotidiennement entre 22 et 34 mg/kg. Au regard de la législation, cette consommation moyenne semble donc raisonnable. Mais la législation est-elle pertinente ? Les conclusions du Dr Soffritti permettent d’en douter. Le chercheur a exposé des rats et souris à une dose moyenne de 20mg/j/kg/. L’incidence de plusieurs cancers (foie, poumons, cerveau, glandes mammaires) est alors plus élevée que pour une même population d’animaux non exposée à l’aspartame. Doit-on en déduire que l’aspartame a des effets cancérogène sur l’homme pour des doses d’exposition comparables ? La question reste ouverte, mais comme le soulignent une douzaine de chercheurs américains dans une lettre ouverte à la Food and Drug Administration, « de nombreux agents reconnus cancérogènes pour l’homme l’ont d’abord été chez l’animal. » Au nom du principe de précaution, le Reseau Environnement Santé et Générations Futures appellent donc les autorités sanitaires françaises et européennes à revoir les DJA de l’aspartame, réaliser des études épidémiologiques à grande échelle et classer cet édulcorant comme un facteur de risque, notamment pour les leucémies infantiles.
L’expertise des chercheurs indépendants vs celle des laboratoires
Malgré l’avertissement des scientifiques, l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA) ne s’inquiète pas outre mesure. Son président Jean-René semble au contraire de plus en plus irrité par le discours des lanceurs d’alerte. « Une fois c’est la viande, une fois c’est l’aspartame, une fois c’est le bisphénol. Il faut que l’on arrête sinon demain, plus aucun produit ne sera consommable! » rapportait-il récemment au journal Emballages Magazine. L’ANIA affirme par ailleurs « avoir pris connaissance des conclusions de ces deux nouvelles études (…) Pour l’heure, au regard des évaluations existantes, tant au niveau européen que mondial, il n’y a aucun élément nouveau qui permette d’inquiéter le consommateur quant à la consommation d’aspartame aux seuils européens autorisés », explique l’association.
Concernant l’étude épidémiologique danoise sur les femmes enceintes, le président de l’Ania compte néanmoins « vérifier la méthodologie et les résultats et voir ce qu’il en est. » De son côté, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) s’est engagée à « examiner sans délai ces nouvelles études en vue d’éventuelles recommandations aux autorités françaises », et à saisir, le cas échéant, l’Autorité européenne de sécurité des aliments. Celle-ci devrait rendre prochainement un nouvel avis sur l’aspartame dans le cadre du programme européen de réévaluation des additifs alimentaires, en cours depuis 2008.
Mais les membres du RES restent méfiants sur les évaluations de ces agences. D’après André Cicollella, président du réseau, en accordant le même crédit aux expertises réalisées par des chercheurs indépendants et à celles réalisées par les laboratoires privés, « les agences se comportent de façon suiviste par rapport aux intérêts économiques des industriels. » Un constat qu’il illustre avec les récentes polémiques aux sujets du Bisphénol A et du Médiator.
Pour Pierre Meneton, chercheur à l’Inserm*, « ni membre du RES, ni employé d’un laboratoire privé », la source de financement « influence effectivement de manière majeure les résultats des études publiées dans les journaux scientifiques et médicaux. » Le chercheur explique par exemple que sur une centaine d’études bénéfices-risques portant sur le BpA, 94% de celles réalisées par des chercheurs rémunérés sur fonds indépendants font état de la nocivité de la molécule, alors que 100% de celles financées par les industriels en démontrent l’innocuité. Pour l’heure, toutes les études bénéfices-risques concernant l’aspartame réalisées par les laboratoires privés assurent pourtant que « l’édulcorant n’est pas nocif pour la santé ».
*Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale
Anne Farthouat
Mis en ligne le : 26/01/2011
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